Cyrille Vezzoli séropositif de 35 ans voulait être soigné pour une carie. Il entend saisir la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) En entrant chez le dentiste mardi dernier, Cyrille Vezzoli avait le genre de rage de dent qui ne vous laisse pas en paix. En sortant, il avait toujours aussi mal, mais en plus la rage au cœur.
Cyrille a 35 ans, il a grandi à La Rochelle, vécu ensuite à Paris pour revenir dans sa ville d'origine : « Je suis séropo » dit-il très simplement. « Ce n'est pas nouveau. J'ai contracté le virus du Sida il y a dix-huit ans. Je suis traité en trithérapie, je supporte bien et j'ai appris à vivre avec ça. Mais ce qui s'est passé chez ce chirurgien-dentiste, ça m'a projeté des années en arrière, un choc émotionnel aussi violent que quand j'ai appris ma séropositivité ». Et Cyrille Vezzoli de raconter cette scène si pénible pour lui.
Le jeune homme avait choisi dans l'annuaire le praticien face auquel il s'est retrouvé, ce mardi 30 août. « Je n'en ai pas d'attitré, j'ai pris celui qui acceptait de me recevoir le plus rapidement pour me soulager de cette carie. »
Je ne peux pas vous prendre Le dentiste lui pose quelques questions, histoire de remplir sa fiche. « Déjà, il m'a lancé "j'espère que vous n'êtes pas à la CMU !" (1). J'étais venu en tee-shirt et en tongs. Pour aller chez le dentiste, je ne sors pas le costume. » Cyrille explique alors qu'il bénéficie d'une prise en charge à 100 % de la sécurité sociale, en raison de son affection. « Les séropositifs, ils se font soigner à l'hôpital ! Moi, je ne peux pas vous prendre », m'a- t-il répondu. J'étais tellement abasourdi que je suis sorti dans la rue, sans discuter. »
Puis Cyrille s'est ressaisi. Il est rentré dans le premier cabinet dentaire venu pour demander si on soignait les séropositifs. « La secrétaire m'a regardé avec des yeux ronds puis m'a répondu qu'il n'y avait aucun souci, le médecin travaillant avec des gants, un masque, il est protégé. » Le jeune homme a pris un rendez-vous dans ce cabinet, tout en décidant d'agir contre leur confrère peu avenant. « Ce dentiste m'a profondément humilié et je n'ai pas envie que ça arrive à d'autres. Je souhaite que cet homme-là soit sanctionné. »
Exposé à des sanctions Et sans doute le sera-t-il, si ce que raconte Cyrille Vezzoli est avéré. « Nous ne préjugeons de rien », déclare le docteur Bertrand Courty, président du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes, « mais s'il est vrai que ce collègue a refusé de soigner quelqu'un au motif de sa séropositivité, c'est sûr qu'il s'expose à des sanctions particulièrement sévères. »
Reste que pour l'instant, seule la version de Cyrille circule. Le dentiste rochelais concerné refuse de donner la sienne - « J'ai pris un avocat », se contente-t-il de dire. Le jeune homme séropositif affirme pour sa part qu'il va saisir la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité). Il dit avoir averti sa caisse d'assurance-maladie et fait partir un courrier au conseil de l'Ordre des chirurgiens-dentistes. Ce courrier n'est pas encore parvenu à son destinataire.
Y avait-il le moindre risque de contamination ? « Les cabinets dentaires sont des lieux sûrs, équipés de tous les moyens de stérilisation et de désinfection nécessaires. Le risque zéro n'existe pas, mais ici, il est quasi nul », commente le docteur Courty.
Le praticien n'aurait donc pas dû refuser le soin, en tout cas pas pour des raisons médicales. « Mais il peut invoquer des motifs personnels de refus. » Bataille d'interprétation en perspective.
On nous le rabâche tous les jours, nul n'est censé ignoré la loi, et jusqu'à preuve du contraire seul les politiques sont au dessus des lois, pas les dentistes,....
L’article R. 4127-211 du Code de la santé publique ainsi que l’article 8 du Code de déontologie des chirurgiens-dentistes, disposent que le chirurgien-dentiste « doit soigner avec la même conscience tous ses patients, quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminées, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ».
Un refus de soins, ou un traitement différent, opposé par un dentiste à un patient en raison de sa séropositivité, est donc constitutif d’une faute déontologique (pouvant donner lieu à des sanctions prononcées par le Conseil de l’Ordre), mais également d’un délit, réprimé par l’article 225-2 du Code pénal (puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende).