Doit-on craindre la tuberculose en Suisse? Ligue pulmonaire suisse
OMS: tuberculose
On la croyait éradiquée du paysage infectieux de notre pays, pourtant la tuberculose fait de nouveau parler d'elle. Plusieurs cas ont récemment défrayé la chronique, mais la Suisse se montre innovante dans le dépistage de cette maladie
L'automne dernier un Zurichois de 47 ans décédait de la tuberculose. Plus récemment, un membre du Grand Conseil neuchâtelois infecté contraignait ses collègues à subir un test de dépistage. On l'avait presque oubliée, et voilà que la tuberculose fait de nouveau parler d'elle. L'ombre menaçante de cette maladie infectieuse plane-t-elle sur la Suisse?
Réponse des spécialistes: globalement, il y a une diminution lente des cas de tuberculose en Suisse. Par contre, dans le reste du monde, le nombre de malades est en augmentation, notamment en Afrique, en Asie ou en Europe de l'Est. Avec la globalisation et la proportion croissante de la population migrante, la Suisse, tout comme le reste de l'Occident, n'est pas à l'abri de cette maladie, dont certains pays connaissent des formes résistantes. Aujourd'hui, la lutte contre la tuberculose est l'une des priorités de l'OMS, qui a mis en place un plan d'action pour endiguer les cas les plus graves. La Suisse, elle, pratique en outre le dépistage de l'infection lors d'enquêtes d'entourage, menées par la Ligue pulmonaire chaque fois qu'un cas de tuberculose est déclaré.
Des germes dans l'air
«La tuberculose est une maladie infectieuse due à une bactérie, le bacille de Koch, rappelle le Dr Jean-Pierre Zellweger, spécialiste en pneumologie. Elle se développe dans les poumons et se transmet par voie aérienne lorsque le malade tousse.» Les germes qu'il expire peuvent alors rester dans l'air plusieurs minutes et contaminer de nouvelles personnes. Les immunodéprimés, les transplantés, les enfants en bas âge et les porteurs du VIH sont particulièrement vulnérables.
On peut être infecté et rester en bonne santé pendant plusieurs années, car le bacille se développe lentement. «L'OMS estime que, dans certaines régions du monde, un tiers de la population est porteur sain du bacille», note le spécialiste. En Suisse, les personnes suspectées d'avoir contracté la maladie suivent un traitement préventif à base d'antibiotiques.
S'il a été en contact avec le germe, notre corps va en garder le souvenir, d'où les tests de dépistage effectués parmi les proches d'un malade. Ceux-ci sont soumis à un test tuberculinique, le fameux Mantoux, une injection intradermique d'antigènes auxquels l'organisme réagit s'il a déjà rencontré le bacille.
Mais ce test n'est pas toujours fiable: il peut y avoir des faux négatifs et des faux positifs. Lors du dépistage de l'entourage du député neuchâtelois en juin dernier, 40 personnes étaient positives sur les 300 testées. Une proportion démentie par une nouvelle technologie: le TIGRA (T cell Interferon Gamma Release Assay), un test sanguin effectué à Lausanne au laboratoire BBR-LTC du groupe FutureLab, spécialisé entre autres dans le dépistage de la tuberculose. «La Suisse est le 2e pays à l'avoir introduit en routine», relève sa directrice, Ariane Zellweger.
Mis au point par les Britanniques, ce test est beaucoup plus précis que le Mantoux, car il élimine les faux positifs. Et, du même coup, des traitements préventifs inutiles. Au final, dans l'exemple de Neuchâtel, «une seule personne peut être considérée comme ayant été contaminée», a indiqué Christine Meyer, de la Ligue pulmonaire de Neuchâtel.
Avec 500 cas chaque année, la tuberculose est devenue rare en Suisse et on n'en meurt pratiquement plus. Toutefois, il faut rester vigilant. Il y a trente ans on soignait des personnes âgées, aujourd'hui les jeunes sont de nouveau touchés, en particulier les migrants et les porteurs du VIH. De plus, le nombre croissant des résistances aux médicaments, notamment en Europe de l'Est, est problématique. «En Ukraine, 15% à 20% des cas sont multirésistants, relève le Dr Zellweger. On se fait du souci, car c'est à notre porte!»