"Pour ce qui est des amis j’essaie de le dire au maximum, comme ça et en plus ça fait le tri… bon bah y en a qui réagissent bien, d’autres qui réagissent mal. Ceux qui réagissent bien ils forment comme un bouclier par rapport à ceux qui réagissent mal, donc c’est aussi une protection parce que les amis c’est quand même… l’amitié c’est très fort et c’est soudé. C’est ce qui protège du regard des autres, de la méchanceté, de l’ignorance des autres et c’est ce qui aide à avancer et à bien vivre la maladie aussi. Après pour la famille c’est encore autre chose parce que c’est du cas par cas. Je connais beaucoup de familles où on n’en parle pas, l’enfant l’apprend très très tard, ou des familles où il n’y a que la mère qui est au courant que son enfant est malade, même le père n’est pas au courant. Vraiment c’est un secret de famille. J’ai rien demandé à personne et pourtant bah je vis avec et faut bien faire avec donc je vais pas m’abattre sur mon sort. Mes parents comment ils ont procédé ? ils ne m’ont jamais vraiment dit que j’étais séropositive. Conséquences de tout ça, c’est que je ne savais pas mais tout le monde savait que j’étais malade sauf moi ! C’est allé très loin parce que même mon médecin était persuadé que mes parents m’en avaient parlé, mes grands-parents étaient persuadé que j’étais au courant, etc… et bah j’ai grandi, et on a étudié le SIDA et je commençais à faire des liens, ça se rapportait beaucoup à ce que je vivais, on utilisait les mots « immunodéficiente », donc des termes barbares que personne ne peut comprendre et pourtant on connait ce mot et c’est pas normal qu’on le connaisse. Et moi, maligne comme je suis et très sportive comme je suis, j’ai voulu faire plaisir à mon prof de sport un jour, sauf que je me suis explosé le nez et du coup j’ai saigné du nez, il m’a donné son mouchoir, à l’infirmerie il y a une fille qui m’accompagnait, elle a dû se laver les mains plusieurs fois, l’infirmière a tenu absolument à ce que le mouchoir en tissus du prof soit jeté, alors que moi je voulais le laver, enfin normal pour… c’était logique mais bon elle n’a pas voulu. Et le lendemain, dans toutes les salles de classe, une affiche : «ne touchez pas les clefs, ne ramassez pas les seringues » tout un truc. Là bon j’ai fini par demander à ma grand-mère « est-ce que j’ai le sida ? » donc elle m’a expliqué que j’étais séropositive etc, mais c’est la seule et la première fois où on a vraiment mis les mots dessus et du coup aujourd’hui encore, on n’en parle pas… on en parle occasionnellement et pourquoi on en parle, parce que moi j’en parle. Ca c’est du cas par cas, mais moi je trouve qu’il faut en parler pour pouvoir vivre avec."