Chez Sidaction l’Inspection du travail est saisie.
Dans un listing que s’est procuré, la direction notait des éléments privés sur ses salariés. L’Inspection du travail est saisie.
Quand même, ça la fiche mal : Sidaction, l’association fondée par Pierre Bergé en 1994 pour collecter des fonds dans la lutte contre le sida, fiche ses salariés de façon douteuse. C’est ce qui ressort d’un document interne que s’est procuré Libération, et qui répertorie, selon des informations d’ordre privé, la soixantaine d’employés que compte le collectif. Ce listing, daté du 29 avril (voir extrait ci-contre), reproduit, sous la plume du responsable des ressources humaines, Robert Lebrun, des notes qui font référence à la santé physique ou mentale des salariés, à la profession des parents, à l’origine ethnique, à l’état de grossesse, etc.
«Contentieux». Plus grave, Robert Lebrun a consigné des écrits détaillant la prise de position de certains salariés lors de contentieux passés. Pour F., 47 ans, adjointe à la direction, il est précisé : «A un statut privilégié. A été impliquée dans les différents conflits.» Face à de telles pratiques, la section syndicale CFTC-Spaif dénonce «un fichage inadmissible, indexant les revalorisations salariales potentielles aux comportements adoptés par le personnel au moment de désaccords sociaux». L’Inspection du travail, saisie par les délégués du personnel, n’a d’ailleurs pas manqué de noter «que les salariés ayant témoigné lors de contentieux passés se sont tous vu refuser leurs demandes d’augmentation». Dans un courrier que Libération s’est également procuré, l’Inspection rappelle fermement Sidaction à la loi, et exige de Robert Lebrun des explications immédiates.
François Dupré, directeur général de Sidaction, tente de minimiser l’incident : «Comment peut-on croire une chose pareille ! Nous, Sidaction, qui sommes si à cheval sur les questions d’éthique, nous ficherions nos employés ? Ce n’est pas sérieux. Il s’agit de quelques infos mises bout à bout pour y voir plus clair dans la gestion du personnel. J’ajoute que ce document est strictement confidentiel et n’avait pas vocation à être diffusé.» Une explication «plus que douteuse» aux yeux de Milko Paris, secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Sidaction, qui a alerté la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Cette dernière instruit actuellement la plainte et rendra ses conclusions dans quelques semaines.
L’affaire intervient au pire moment pour la direction de Sidaction, déjà empêtrée dans un long conflit social. Mercredi, 40 des 61 salariés de l’association ont débrayé à l’appel de la CFTC-Spaif pour protester «contre la surcharge de travail et la pression inhumaine mise par la direction sur des salariés qui sont avant tout des militants».
En mai, le CHSCT a commandé une expertise psychosociale au Cedaet, organisme indépendant agréé par le ministère du Travail, qui a mis en lumière la souffrance de certains employés de l’organisme. L’audit, consultable en intégralité sur Libération.fr, pointe «une absence de structuration au sein de l’association, des "placardisations" problématiques, ainsi qu’une évolution croissante de l’absentéisme».
Prud’hommes. François Dupré reconnaît «des ajustements à effectuer en termes de management», mais rappelleque «des négociations paritaires ont été menées en début d’année pour améliorer, notamment dans les rémunérations octroyées, le quotidien des salariés». Pas suffisant pour Milko Paris, qui poursuit sa direction devant le tribunal des prud’hommes pour «harcèlement moral» : «Le fonctionnement est brutal, humiliant, indigne d’une ONG. On a mal.»