Chaque année, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) publie un rapport permettant de déterminer les grandes tendances mondiales dans ce domaine. L’édition 2012 rendue publique hier confirme plusieurs évolutions déjà observées. Première d’entre elles : la prolifération, souvent anarchique, des drogues de synthèse. Les nouveaux produits pullulent en effet : chaque semaine, le détournement d’une nouvelle molécule est identifié. Ainsi, depuis le début de l’année 2012, le système précoce européen (EWS) a repéré 49 substances qui jusque alors n’avaient jamais été utilisés en dehors des cadres légaux. Au total, entre 2005 et 2011, l’OEDT a pu établir une liste de 164 « molécules » désormais fréquemment utilisées comme des drogues. Internet, favorise bien sûr cette croissance. Les sites proposant des « euphorisants » prétendus comme légaux (alors que beaucoup comptent en réalité des composés interdits et souvent dangereux) sont de plus en plus nombreux : 170 portails de ce type avaient été recensés en 2010 contre 693 cette année ! Ces « drogues de synthèse » appartiennent fréquemment au groupe des cathinones (c’est le cas de la méphédrone), tandis que les cannabinoïdes de synthèse ont également le vent en poupe. Si ces nouvelles substances inquiètent les responsables de l’OEDT, l’ecstasy demeure le premier objet de préoccupation puisqu’elle est la plus répandue de ces « drogues de synthèse ».


A cet égard, les responsables de l’OEDT note que la MDMA, forme d’ecstasy la plus populaire et dont la consommation s’était ralentie ces dernières années est de nouveau très présente. Les fabricants semblent avoir trouvé des alternatives à l’utilisation du PMK dont le détournement a été très limité grâce à « l’introduction de mesures efficaces ».

VIH : une menace qui plane de nouveau sur les toxicomanes européens

Parallèlement, à cette explosion des drogues de synthèse, des substances « plus classiques » voient leur utilisation reculer.
Les saisies de cocaïne ont ainsi été en forte baisse (61 tonnes ont été interceptées en 2010 contre 120 en 2006). L’OEDT estime que cette tendance est probablement liée à la très mauvaise qualité des produits disponibles qui pourraient avoir conduit certains utilisateurs à préférer des produits de synthèse. Cependant, on compte encore aujourd’hui quatre millions d’européens ayant consommé de la cocaïne au cours des douze derniers mois. De même, le « marché » de l’héroïne reste marqué par une forte baisse. L’OEDT y voit la confirmation des succès des programmes de sevrage et de distribution de produits de substitution dans de nombreux pays d’Europe. Cependant, ces bons résultats sont très fragiles, notamment en raison de la crise. Le rapport signale notamment une nouvelle progression des contaminations par le VIH en Roumanie et en Grèce, probablement liée aux coupes sombres pratiquées dans les budgets dédiés à la prise en charge des toxicomanes.

Echec des politiques répressives en France

Enfin, à l’instar d’autres rapports publiés récemment, les données de l’OEDT évoquent une stabilisation de la consommation de cannabis en Europe. Un pays fait cependant figure d’exception : la France où la tendance demeure encore et toujours à la hausse. Notre pays compte aujourd’hui parmi les plus grands consommateurs de cannabis. Une personne sur trois a déjà expérimenté cette substance dans l’hexagone ; seul le Danemark connaît des taux aussi élevés. De même, près d’un jeune sur deux (45,1 %) a déjà fumé de la majijuana et seuls les Tchèques présentent en la matière des résultats plus inquiétants. Pour les responsables de la prévention de la toxicomanie dans notre pays, ces résultats marquent certainement l’échec des politiques menées ces dernières années, qui ont accordé la part belle à la répression et à la mise en évidence des dangers, en délaissant la prévention et la compréhension des raisons poussant tant de jeunes (et de moins jeunes) à se tourner vers le cannabis.