Afin d’éviter de nouveaux désaveux, de nouvelles déceptions, il devrait y avoir à l’avenir quelques minutes consacrées à ce sujet lors d’une passation de pouvoir entre ministres de la Santé. Il s’agit en effet d’une question qui dépasse les clivages politiques : depuis dix ans, tous les ministres de la Santé ont à un moment donné ou à un autre promis que serait mis fin à l’interdiction faite aux homosexuels masculins de donner leur sang et tous, les uns après les autres, ont dû renoncer à cette promesse. Alors que leurs déclarations étaient idéologiques, ils ont découvert qu’il s’agissait en réalité d’une question médicale et pragmatique.
« On doit revoir cette politique »

Marisol Touraine n’a donc pas échappé à la règle. Elle est juste allée un peu plus vite que les autres. Le 14 juin, lors de la journée mondiale du don du sang, quelques semaines à peine après son arrivée au pouvoir, elle martelait : « On peut et doit revoir cette politique (…). La sécurité doit être assurée, il n’est pas question de prendre le moindre risque en terme de transfusion, mais le critère ne peut pas être (…) l’inclinaison sexuelle ». Cependant, au-delà de ces belles paroles qui étaient très attendues, le ministre s’était donné quelques mois de réflexion.

Un risque accru bien que toujours très faible

Cette période a été marquée par la publication en octobre d’une étude menée par l’Institut national de veille sanitaire et plusieurs experts des établissements français du sang évaluant que si, entre 2008 et 2010, seuls les homosexuels déclarant plusieurs partenaires au cours des 12 derniers mois avaient été exclus du don du sang, le risque de contamination par le VIH par transfusion aurait pu être jusqu’à quatre fois plus élevé, bien que demeurant faible (1 sur 700 000). Si les auteurs de cette étude avaient souligné que ces résultats ne devaient pas nécessairement clore toute réflexion sur la pertinence d’une levée de l’interdiction, le ministère de la Santé a cependant estimé qu’ils étaient suffisants pour surseoir à toute décision. « Aujourd’hui, je ne peux pas lever l’interdiction » a ainsi admis vendredi le ministre de la Santé, provoquant la déception amère de plusieurs associations de défense des homosexuels.

Pas une question d’homophobie

Ce mouvement de désapprobation n’est cependant pas unanime. Lors des premières déclarations du ministre de la Santé, des voix discordantes s’étaient déjà faites entendre, émanant de personnes pouvant très difficilement être suspectées « d’homophobie ». Ainsi, le président d’honneur de l’association AIDES, Christian Saout avait évoqué des réserves très importantes. Ces dernières étaient notamment liées à sa bonne connaissance de l’épidémiologie du VIH en France aujourd’hui marquée entre autres par le fait que la séroprévalence VIH est 65 fois plus importante chez les hommes homosexuels que les hommes hétérosexuels. Pour l’association AIDES en tout état de cause, le don du sang ne devrait pas être « utilisé pour démontrer l’égalité des droits ».