Quand les malades sont des victimes de leur médecin et des laboratoires ! J’ai été embauchée en mars 2004 par le président de la société Echosens, Bertrand Fourquet, pour mes connaissances en hépatologie….En effet, je venais de quitter le laboratoire Schering Plough pour lequel je commercialisais les traitements de substitution aux opiacés ainsi que les bi-thérapies interferon/ribavirine, traitement prescrit chez le patient atteint d’hépatite C.
J’ai travaillé pour la société Echosens de 2004 à 2007, chargée d’implanter une toute nouvelle technique d’imagerie médicale,
« l’élastométrie impulsionnelle » sous le nom de Fibroscan (technique qui permet de contrôler la fibrose hépatique : sorte de cicatrices progressives évoluant vers la cirrhose du foie !)Je passais dans tous les hôpitaux, les prisons, les centres de soins aux toxicomanes ou aux populations en situation précaire afin de faire des essais comparatifs avec d’autres marqueurs de fibrose (autres techniques d’évaluation comme la biopsie) et vérifier qu’il y ait une bonne corrélation entre les différents résultats obtenus.
Les deux puissants laboratoires Roche et Schering Plough qui commercialisent les traitements pour les hépatites, en accord avec ma direction, m’envoyaient leur armée de visiteurs médicaux….
La guerre des visiteurs médicaux sur un même secteur est bien connue ! Pour atteindre des objectifs toujours plus élevés, les visiteurs sont prêts à tout !J’étais la proie, la technicienne unique sachant manipuler et exploiter les résultats d’un appareil qui en cinq minutes donnait son verdict!
Ils se jetaient sur moi comme des « fauves » pour que je réponde favorablement à l’un des laboratoires plutôt qu’à l’autre….
Mon employeur qui comptait bien que les puissants laboratoires allaient offrir un Fibroscan à leurs clients, les médecins, alors que celui-ci n’était pas encore validé, m’imposait de répondre favorablement quand un visiteur médical d’un laboratoire ou de l’autre me sollicitait !
L’engouement pour cette nouvelle technique était telle que les visiteurs médicaux en étaient à se battre comme des « chiffonniers » pour être le premier à qui je répondrais favorablement !
Quand je travaillais avec l’un plutôt qu’avec l’autre, j’avais droit à des réflexions désagréables…..jusqu’à des menaces nocturnes incessantes !
Cela mis à part, leur travail consistait à fixer avec les professeurs, les médecins de chaque secteur, la date de ma venue, d’assurer avec les secrétaires la logistique (présence d’un lit de consultation, convoquer les patients tous les quart d’heure, commander un buffet/cocktail pour le personnel du service !)
Je me retrouvais ainsi avec les patients dans une chambre ou dans une salle de consultation, les dossiers des malades sous le bras et j’enchaînai examen sur examen….
Les patients étaient fort inquiets de part cette convocation subite puisqu’on ne leurs avait pas donné d’explications précises et encore moins de « consentements éclairés » du patient à signer…
Le plus souvent, ils craignaient que le médecin ait découvert une complication de leur maladie et les ait convoqué dans l’urgence pour réévaluer l’aggravation de la maladie.
Les laboratoires qui espéraient bien la prescription de leurs traitements (très couteux) à l’issue de mon diagnostic, faisaient des
« rond de jambes » tout en sirotant et dégustant d’appétissantes douceurs !Je n’ai jamais vu les laboratoires aller offrir, ne serait-ce qu’une viennoiserie aux patients qui attendaient juste à côté comme des « moribonds » leur tour !Pathétique quand on sait que le patient se déplaçait paniqué, sans comprendre qu’il allait être « la cible », « l’objet » ! et que de surcroit, on allait peut être lui prescrire un traitement « très lourd » dont il n’avait peut être pas besoin !
En effet, j’ai pu observer de nombreux résultats complètement faussés….mais personne ne s’en inquiétait !
De mon côté, je ne facturais rien à personne puisque ce travail consistait à « évaluer » et faire des tests de comparaisons !
Ce qui me laissait toutefois « abasourdie » c’est quand le médecin, chef de service, venait me demander discrètement ce que le médecin avec qui j’avais travaillé la veille, avait facturé aux patients !Ils s’étaient mis d’accord sur le fait de faire passer cela pour une échographie standard (côtée K15 par la sécurité sociale)
Pauvres patients qui repartaient souvent avec de mauvaises nouvelles n’imaginaient pas une seconde que leurs médecins, à qui ils remettent leur vie, leurs espoirs, les exploitent de la sorte sans jamais s’inquiéter de leur état de santé réellement !