sida, sidaventure, vih, vhc, info sida, forum sida, information sida, prevention sida, forum vih, t'chat sida, tchat sida, femmes sidaLibre-Opinion: Un an après, que reste-t-il des Outgames de Montréa l?
Dr Pierre Côté, Cofondateur, Clinique du quartier latin. Directeur de l'unité ambulatoire
VIH/toxicomanie du CHUM. Ex-membre du conseil d'administration et directeur médical des Outgames. Édition du lundi 30 juillet 2007
Mots clés : conférence sur les droits humains, Louise Arbour, Outgames de Montréal, Sport, Homosexualité, Montréal
La conférence sur les droits humains des LGBT (lesbiennes, gais, bisexuel--le-s, transgenres) qui s'est tenue du 26 au 29 juillet l'an dernier, a marqué l'histoire pour des millions d'individus à travers la planète. Ouverte par Louise Arbour, Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, elle avait réuni 2000 participants de 111 pays, dont 40 % venaient des pays en émergence, dans lesquels, pour certains, la peine de mort ou l'emprisonnement automatique est encore en usage quant à l'orientation sexuelle. Dans certains de ces pays et dans d'autres, notamment en Afrique, les LGBT victimes du sida sont carrément exclus de tout soutien médical. Cette conférence avait, en outre, réuni des personnalités de calibre mondial -- comme cinq juges de cour suprême, une dizaine de ministres en exercice, etc. -- qui consacraient ainsi Montréal et les Outgames en tant que lieu et outil par excellence des droits humains. La Déclaration de Montréal a été adoptée, texte qui, depuis, a été entériné par plus d'une trentaine d'instances nationales.
Malheureusement, ni l'Assemblée nationale du Québec, ni le Parlement fédéral n'ont jugé utile de faire de même. Ici, seuls le NPD, le Bloc québécois et le Conseil d'arrondissement de Ville-Marie ont endossé la Déclaration de Montréal. Aurait-il fallu payer pour une campagne internationale de promotion équivalente à la visibilité que cette conférence a donnée, non seulement à Montréal mais aussi au Québec et au Canada, cela aurait coûté, selon des experts, sept millions de dollars.
Des jeux sportifs reconnusLa partie sportive et ludique des Outgames a elle aussi, et n'en déplaise aux critiques, été un grand succès. Quelque 17 000 personnes ont participé aux épreuves sportives et 92 pays y étaient représentés. Le Québec et le Canada ont participé à hauteur de 3000 sportifs. Chacune de ces personnes a drainé dans son sillage, directement ou indirectement, sept autres personnes. Il y a donc eu, durant dix jours, un apport supplémentaire de presque 120 000 visiteurs de plus à Montréal. Qui plus est, nous savons, par les équipes inscrites, que 25 % des participants ont étendu leur séjour ailleurs au Québec pour une ou deux semaines supplémentaires. Les calculs sont faciles à établir quant à l'impact touristique des Outgames, ici à Montréal et ailleurs au Québec.
Mais, bien au-delà de ces calculs, le sport dans la communauté LGBT internationale représente la façon la plus simple de s'affirmer. En effet, dans bon nombre de pays, l'orientation sexuelle n'a pas droit de cité, et la seule façon de se réunir consiste à le faire sous le couvert d'une pratique sportive réelle. Le sport, par ailleurs, et comme pour l'ensemble des jeunes à travers le monde, est pour les LGBT une source de dépassement et de discipline. En Amérique latine, il se crée une équipe sportive LGBT par mois depuis un an, et même en Afrique le mouvement a commencé.
Lors des Outgames de Montréal, un record du monde a été battu, ce qui a été reconnu par les instances sportives internationales. Une quinzaine de compétitions ont d'ailleurs été homologuées par les organisations sportives québécoises, canadiennes et internationales.
Lors des Outgames, l'organisation montréalaise avait aussi, et c'était une première, mis en place un système d'information et de soutien lié à la santé. La Clinique du quartier latin, en partenariat avec l'organisme Zéro-Séro, a tenu à la disposition des participants des haltes-santé tout comme des soins, si nécessaire. Une vaste campagne d'information sur les infections transmises sexuellement, dont le VIH, a accompagné la tenue de ces jeux. Des entreprises pharmaceutiques se sont jointes à cette campagne.
La véritéEn tant qu'ancien membre du conseil d'administration des Outgames et qu'intervenant social et médical dans toutes les questions liées aux maladies transmises sexuellement ou aux problématiques résultant de l'usage de drogues, mais aussi en tant que Montréalais fier de sa ville, je veux rendre hommage aux milliers de bénévoles qui nous ont soutenus, aux organismes de la communauté LGBT de Montréal, à la direction des Outgames et à ses anciens employés, sous le leadership de Louise Roy. Ils savent tous à quel point les Outgames auront non seulement marqué leur vie, mais aussi donné à Montréal un label de qualité et d'ouverture qui se fait rare à travers le monde. La bonne nouvelle, par ailleurs, qui est une mesure irréfutable de notre succès, c'est que les seconds Outgames mondiaux se tiendront à Copenhague en 2009, sur le modèle de ce que nous avons réalisé ici. Nul n'est prophète en son pays, semble-t-il.
La seule amertume qui fut difficile à assumer, c'est la désinvolture avec laquelle le gouvernement du Québec a clos cette affaire. Il faut, un an après, remettre les pendules à l'heure et donner à César ce qui lui revient. Tout d'abord, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et son équipe ont droit non seulement à nos remerciements, mais également à nos félicitations. Cela s'adresse également à Tourisme Montréal et à son leader, Charles Lapointe. Du début à la fin de cette aventure, ils auront été les plus fermes soutiens tant de la Conférence internationale sur les droits humains que de l'événement sportif LGBT. La Ville, finalement, aura investi dans les Outgames près de trois millions de dollars en argent et en services. La mise du gouvernement fédéral a été de deux millions et celle du gouvernement du Québec, d'un montant fantastique de 1,5 million! Mais les retombées économiques calculées par Tourisme Montréal, elles, se sont divisées ainsi: autour de 90 millions de dollars... dont 40 millions dans les coffres des deux paliers de gouvernement et un grand 0 dans ceux de la Ville. Et ce sont des ministres du gouvernement du Québec qui, à l'automne 2006, ont annoncé un déficit de cinq millions de dollars, à grand renfort médiatique. Or le résultat revient à 976 000 $ de déficit réel sur un budget total de 19 millions de dollars, pour des retombées de 90 millions! Finalement, les contribuables québécois ont fait collectivement un bénéfice de 36,5 millions de dollars.
Les Outgames illustrent à merveille toute la problématique inéquitable, pour Montréal, des grands événements: la Ville donne son appui, offre des services, commandite... et les gouvernements ramassent la cagnotte. Certes, il est vrai que c'est Montréal qui, par un événement comme les Outgames, se taille la part du lion dans l'image internationale bénéfique, celle qui, des années plus tard, attire toujours de nouveaux ou d'anciens touristes. Mais il y a de fortes chances que lorsque quelqu'un vient visiter Montréal il en profite aussi pour faire un tour ailleurs au Québec.