Donner la vie, pas la maladie

Les antirétroviraux et le protocole d’accompagnement avant, pendant et après l’accouchement permettent de limiter la transmission du virus de la mère à l’enfant. « Ici, en Afrique, les enfants sont notre richesse, assure Paulette Atrevy, responsable de la prévention de la transmission du sida mère-enfant à l’hôpital de zone de Comé. Nous tentons donc de convaincre les femmes enceintes de se faire dépister et la majorité d’entre elles acceptent. » Elles savent, en effet, qu’il est désormais possible de les soigner en cas de séropositivité, mais aussi de limiter au maximum les risques de transmission du virus à leur enfant. En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, presque plus aucun enfant ne naît séropositif. Les risques de transmission au moment de l’accouchement sont quasi nuls car une césarienne est programmée au huitième mois de grossesse et le lait maternisé remplace l’allaitement maternel.

Des procédures pour l’instant impossible en Afrique, la césarienne étant encore une opération lourde et le lait maternisé à la fois trop cher et stigmatisant. À cause de ces difficultés, un protocole adapté à la réalité du terrain a été instauré. Son but est de faire tomber le risque de transmission de la mère à l’enfant à moins de 10 %, contre 30 % à 40 % en temps normal. La mère dépistée séropositive est ainsi mise sous traitement antirétroviraux dès le sixième mois de grossesse. Au moment de l’accouchement, les gestes dits invasifs pour la mère sont limités : pas de touchers vaginaux répétés, pas de poche des eaux artificiellement rompue. Pour l’enfant, un bain dans de l’eau mélangée à un antiseptique, un rinçage et un séchage en tamponnant seront préférés à des soins agressifs. « En gros, il faut limiter tous les gestes qui pourraient faire une brèche dans la peau du bébé et permettre au virus, que l’enfant a pu récupérer dans la filière cervico-vaginale, de pénétrer », précise Lise Pourteau-Adjahi, médecin coordinatrice de Médecins du monde à Cotonou. Avant d’ajouter : « Ces mesures sont d’autant plus importantes qu’elles ne sont pas spécifiques au VIH mais élargies à tous les accouchements. » Elles profitent, en effet, au rituel animiste des familles qui souhaitent récupérer le placenta pour l’enterrer dans leur concession. Après avoir été désinfecté, le placenta est remis aux intéressés, accompagné de précautions écrites quant à sa manipulation.

En outre, l’enfant venu au monde bénéficie des antirétroviraux administrés à sa mère à travers l’allaitement. « Mais on demande à la mère de ne pas mélanger le lait avec autre chose, comme de l’eau qui peut provoquer des brèches dans l’oesophage et offrir une porte au virus contenu dans le lait », explique encore Lise Pourteau-Adjahi. Dès les six mois de l’enfant, âge où il est capable de déglutir, le sevrage est proposé, suivi d’une alimentation diversifiée. Mais il faudra attendre dix-huit mois, sauf si l’enfant présente des signes cliniques du VIH, pour qu’un dépistage soit réalisé. Dans les faits, un certain laps de temps est nécessaire pour déterminer le statut sérologique de l’enfant, auparavant il doit se débarrasser des anticorps de sa mère reçus pendant l’allaitement. Problème, les examens permettant de connaître le statut sérologique du nouveau-né n’existent pas au Bénin.

Dans le cas où la prévention de la transmission de la mère à l’enfant n’a pu se mettre en place, que l’enfant présente des signes cliniques de la maladie et des infections opportunistes, une prise en charge par les antirétroviraux est possible peu après la naissance. Pour les parents qui découvrent tardivement leur séropositivité, leur prise en charge et celle de leurs enfants peuvent se faire conjointement. Le service en pédiatrie de l’hôpital d’Ouidah suit, par exemple, une soixantaine d’enfants séropositifs dont une quinzaine sont sous traitement.

La Fondation Clinton devrait, dans les prochains mois, permettre l’accès aux formules pédiatriques des traitements antisida. Une nécessité quand on sait que les familles doivent se débrouiller avec des cachets conçus pour des adultes, qu’il faut couper en morceaux et que l’enfant recrache facilement. Au Bénin, 6 000 enfants sont séropositifs.