Toxoplasmose et infection à VIH : un cas d’abcès médullaireDans le cadre de l’infection à VIH/sida, la toxoplasmose est une infection opportuniste qui peut revêtir des formes graves comme une encéphalite abcédée, une pneumopathie hypoxémiante, ou une infection disséminée pouvant avoir une évolution fatale. Bien que la toxoplasmose constitue l’atteinte parasitaire cérébrale la plus fréquente du sida, les localisations médullaires sont rares. L’équipe du Service de maladies infectieuses de l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon présente un cas de localisation atypique d’« abcès toxoplasmique » au niveau de la moelle épinière. Rappel sur la toxoplasmoseLa toxoplasmose est une maladie parasitaire due à un protozoaire intracellulaire ubiquiste,
Toxoplasma gondii qui cause des lésions localisées surtout au niveau du système nerveux central. D’autres organes comme les yeux, les poumons, le coeur, le foie et la peau peuvent également être touchés.
Cycle du parasite : L’hôte définitif de ce parasite est un félidé, en général le chat et les hôtes intermédiaires sont des animaux, herbivores et carnivores mais également l’homme.
Toxoplasma gondii se repoduit par multiplication sexuée dans l’intestin grêle du chat. Les oocystes produits sont alors disséminés dans l’environnement par les fécès du chat. Les oocystes deviennent infestants au bout de quelques jours de maturation dans le milieu extérieur. Ils sont très résistants et peuvent rester contaminants pendant plusieurs mois au niveau du sol. C’est ainsi que de nombreux animaux et l’homme se contaminent par ingestion d’oocystes.
C’est sous forme de tachyzoïtes, après multiplication et dissémination dans le sang, que le parasite envahit les cellules de l’hôte infesté. Quand les cellules meurent, elles dégagent des tachyzoïtes qui vont s’attaquer à d’autres cellules. Le parasite va ainsi se propager dans l’ensemble du corps.
Deux ou trois semaines après son premier contact avec l’organisme, le parasite se divise plus lentement. Il reste latent sous forme de bradyzoïtes à l’intérieur de kystes disséminés dans l’organisme, notamment au niveau du cerveau, de l’oeil et des muscles.
Modes de contamination :
- Risques alimentaires
- La consommation de viande crue expose à une contamination par des kystes. Ce risque varie selon la nature du réservoir animal. La réfrigération est insuffisante pour détruire le parasite puisqu’il reste viable après 68 jours à + 4 °C ; par contre, il est sensible à la salaison, au chauffage (67 °C pendant 3 minutes) et à la congélation. La cuisson aux microondes ne semble pas suffisante pour assurer la destruction du parasite.
- L’ingestion de kystes peut également avoir lieu lors de la consommation d’eau ou de végétaux souillés par des kystes excrétés par des chats. Ces kystes peuvent également se trouver dans la terre de jardin et dans la litière des chats ; il faut donc être particulièrement attentif au lavage des mains.
- Risques de contamination foetale
La transmission interhumaine du parasite n’a lieu que lors de la grossesse, à travers le placenta. La fréquence de la transmission materno-foetale est estimée globalement à 30 % des cas. L’infection peut alors avoir de graves conséquences et provoquer un avortement ou une naissance prématurée ; la période la plus dangereuse se situant entre la dixième et la vingt-quatrième semaine d’aménorrhée. Si la grossesse arrive à terme, il existe après la naissance la possibilité qu’un kyste cause une cécité, des troubles cardiaques ou cérébraux, voire la mort de l’enfant.
- Les personnes infectées par le VIH ayant été exposées au parasite dans le passé et ayant un taux de lymphocytes CD4 inférieur à 100 cellules par μl sont particulièrement vulnérables à ce parasite. Infection bénigne chez les sujets immunocompétents, la toxoplasmose peut être responsable de manifestations graves dans cette population immunodéprimée.
Présentation du cas clinique de l’hôpital de la Croix-Rousse à LyonCliniquement : Il s’agit d’un patient âgé de 46 ans, hospitalisé devant un tableau de rétention urinaire aiguë et des troubles de la marche, dans un contexte de lombalgies évoluant depuis quelques mois.
Les examens paracliniques : L’imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis montrait une lésion médullaire en D12–L1, hétérogène, hypo-intense en T1 et hyperintense en T2 avec un rehaussement annulaire après injection de gadolinium, évocatrice d’une pathologie tumorale, inflammatoire ou infectieuse. La lésion de dimensions 1 cm x 1 cm présentait un important œdème sus- et sous-jacent en centromédullaire.
Pour diminuer l’oedème, une corticothérapie (méthylprednisolone) intraveineuse à la dose de 1 mg par kg a été débutée, suivie d’une récupération ponctuelle des déficits sphinctériens (anal et vésical) en 48 heures ayant permis l’ablation de la sonde urinaire et la récupération du déficit moteur.
La positivité de la sérologie VIH a motivé l’arrêt de la corticothérapie et le transfert du patient en service de maladies infectieuses où étaient notés un fébricule à 38 °C et une dégradation de l’examen neurologique.
La sérologie toxoplasmique était positive en IgG.
La ponction lombaire (PL) révélait au niveau du liquide céphalo-rachidien :
- une hyperprotéinorachie à 1,35 g par litre (valeur normale 0,42 +/- 0,05 g par litre) ;
- une glycorachie normale à 2,7 mmol par litre (valeur normale 2,7 à 4,1 mmol par litre)
- l’acide lactique était à 3,1 mmol par litre (normale inférieure à 2,2 mmol par litre) ;
- la numération érythrocytaire était à 529 hématies par millimètre cube ;
- la numération leucocytaire était à 138 éléments par millimètre cube avec 99 % de lymphocytes.
- Le diagnostic a été confirmé par la recherche d’ADN de Toxoplasma gondii par polymerase-chain-reaction (PCR) qui était positive dans le liquide céphalo-rachidien. Le laboratoire de parasitologie de l’hôpital utilisait comme cible génomique pour la PCR le gène B1.
Le traitement :Il repose sur les mêmes principes que celui de la toxoplasmose cérébrale. Il associe pyriméthamine 100 mg le premier jour puis 75 mg les jours suivants, acide folinique 50 mg par jour, clindamycine 2,4 g par jour en intraveineux et prednisolone 1 mg par kg par jour. Au dixième jour, la clindamycine a été remplacée par de l’atovaquone (1,5 g toutes les 12 heures) devant un rash cutané.
Le traitement spécifique du VIH était débuté cinq semaines après le traitement antitoxoplasmique par l’association : fosamprénavir, ritonavir, ténofovir, emtricitabine.
ConclusionSelon les auteurs, chez un sujet infecté par le VIH, la présence au niveau de la moelle épinière d’une tuméfaction ayant les caractéristiques radiologiques d’un abcès toxoplasmique doit faire suspecter une toxoplasmose médullaire. Ce diagnostic doit être d’autant plus facilement évoquer qu’il existe des anticorps sériques anti-toxoplasme, une lymphopénie CD4 et des lésions encéphaliques associées.