Longtemps dans son pays, son nom ne fut pas prononcé. Pour échapper aux poursuites qui menaçaient tous ceux qui se réclameraient d’elle ou qui vanteraient son courage, on l’appelait « The Lady » ou parfois encore plus hardiment « The Lady of no fear ». Désormais, le monde entier connaît son nom même s’il parvient parfois difficilement à le prononcer (tel encore Barack Obama cette semaine !). C’est évidemment cette célébrité qui a poussé l’ONUSIDA à la choisir. « Des petits villages aux grandes villes, de l’Afrique à l’Asie, les gens parlent de Daw Aung San Suu Kyi » a rappelé le patron de l’ONUSIDA, Michel Sidibé ce 20 novembre. Mais cette popularité extrême n’explique pas à elle seule que l’ONUSIDA ait voulu faire de la dame de Rangoon son ambassadrice mondiale pour la discrimination zéro. Plus que tout autre, Aung San Suu Kyi est l’emblème de ceux qui, bien que « bannis » par la société, luttent sans relâche pour « conserver leur dignité ». Le Prix Nobel de la Paix en est parfaitement consciente qui s’est déclarée très honorée d’avoir été choisie pour représenter les « personnes qui vivent aux marges de la société et qui se battent chaque jour pour faire respecter leurs droits humains fondamentaux. J’aimerais être la voix des sans voix ».

Omerta sur le nombre de séropositifs en Birmanie

Etre la « voix des sans voix » telle est la tâche si difficile que lui a confiée l’ONUSIDA. Elle devra en effet œuvrer partout dans le monde pour faire cesser « la stigmatisation et la discrimination » qui touchent les séropositifs. C’est d’abord dans son propre pays que cette mission sera cruciale. Longtemps, Rangoon a en effet nié l’ampleur de l’épidémie de Sida. Entre 1985 et la fin des années 2000, le même chiffre de 40 000 séropositifs (pour 48 millions d’habitants) était avancé. La junte plaidait que les « valeurs birmanes » protégeaient la population des contaminations. Le bilan des ONG présentes en Birmanie et notamment celui de Médecins sans frontières (MSF) est bien plus accablant, estimant aujourd’hui à près de 250 000 le nombre de séropositifs, liés entre autres à une importante prostitution et à une population de toxicomanes relativement nombreuse. Depuis quelque temps, Rangoon se montre cependant plus ouvert sur le sujet et des programmes de lutte plus efficaces ont été mis en place. Le nombre de personnes traitées, qui s’élèverait à 40 000 selon Aung San Suu Kyi, reste cependant très insuffisant. Et les discriminations sont encore très marquées.