Séropositive, elle fait condamner son "meurtrier"
A Rennes, un homme a écopé de six mois de prison ferme pour avoir transmis sciemment le VIH à sa compagne. Un jugement trop clément estime la victime.
"Six mois de prison ferme, c’est mieux que rien, mais c’est pas cher payé pour un meurtrier!" Laurence, 25 ans, n’est pas morte, non. Elle est juste en sursis, porteuse du virus du sida. Le "meurtrier" comme elle dit, c’est son ancien compagnon, Thierry Maquindus, 32 ans, qui lui a caché sa séropositivité et l’a sciemment contaminée au début des années 2000 dans la région de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Cette semaine, cet ancien footballeur stagiaire du Stade Rennais devenu ensuite entraîneur et moniteur sportif, a été condamné par la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) à trois ans de prison dont trente mois avec sursis pour "administration de substance nuisible suivie d’une infirmité permanente" et à une indemnité provisionnelle de 15.000 euros.
Il avait été relaxé en 2009
"Il est sous le choc même si la Cour n’a pas suivi le procureur qui avait demandé de trois à cinq ans de prison", assure Me Thierry Fillion, l’un de ses avocats, qui a aussitôt déposé un pourvoi en cassation. Ce père de famille, soutenu tout au long du procès par sa femme également séropositive, s’attendait sans doute à une seconde relaxe comme en février 2009 lorsqu’il avait comparu en première instance devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo. "Les magistrats n’avaient pas pris ma cliente au sérieux", regrette Me Philippe Billaud, son avocat, qui rappelle que deux hommes ont été condamnés dans des affaires similaires, en 2005 à Colmar et 2009 à Aix-en-Provence, à six et trois ans de prison ferme. "J’étais seule et j’arrivais pas à y croire", se souvient Laurence, "c’était moi la coupable et lui la victime".
Avant d’être son "meurtrier", Thierry Maquindus a été "son premier amour", "son prince charmant", "l’homme de [sa vie]". En octobre 2001, Laurence n’a que 17 ans lorsqu’elle succombe aux avances d’un sportif de 23 ans, né à Kinshasa (République démocratique du Congo) et salarié dans l’entreprise de sa mère, près de Vitré. "Un beau parleur, bien fait de sa personne et aussi un manipulateur qui aimait manifestement les femmes", selon l’arrêt de la cour d’appel de Rennes. "A l’époque des faits, il fréquentait en même temps plusieurs jeunes filles."
Le Casanova en crampons les aime jeunes, très jeunes, ce qui lui vaudra d’être licencié d’un établissement scolaire de Dinard après la mise au jour d’une relation sexuelle avec une mineure. "Un jour, j’ai découvert que la soi-disant femme de son frère était sa compagne avec qui il vivait et avec qui il avait eu un enfant", raconte Laurence. "En fait, il ne m’aimait pas, il jouait avec moi." La rupture est consommée en novembre 2004. Inquiète, la jeune femme apprend à l’occasion d’un test de dépistage qu’elle est séropositive et tente à plusieurs reprises de se suicider. Son état de santé défaillant l’oblige à quitter son entreprise où elle travaillait dans le secteur du froid.
"Je veux dire aux personnes séropositives contaminées de se battre"
Thierry Maquindus ayant été son seul amant, elle porte plainte contre lui en mars 2005. Elle assure qu’il ne lui a jamais révélé sa maladie et que leurs rapports sexuels ont été protégés à l’exception de quelques semaines alors qu’elle souffrait d’une infection urinaire. Une expertise médicale estime à 97% qu’ils sont tous les deux porteurs de la même souche de
virus.
Lors de sa garde à vue, l’intéressé reconnaît avoir été informé de sa maladie en 1999. Il ne sait pas s’il a été infecté à l’occasion d’un séjour en RDC où il a subi un rite initiatique comportant des scarifications ou lors d’une liaison avec une jeune femme séropositive. En revanche, il soutient avoir toujours utilisé un préservatif avec Laurence sauf pour des fellations. Il admet d’ailleurs avoir été sous-informé à l’époque des risques inhérents à cette pratique sexuelle. Son ex-compagne soutient pourtant que ce n’est arrivé qu’à une seule reprise et qu’elle n’a pas souhaité renouveler l’expérience.
De surcroît, d’anciennes compagnes ont, elles, confirmé avoir eu des relations non protégées avec lui, mettant à mal la défense de Thierry Maquindus. L’une d’elles l’a même accusé de l’avoir infectée même si elle n’a pas porté plainte contre lui. "Je veux dire aux femmes contaminées qu’il faut se battre", clame Laurence, qui a eu un enfant grâce à la procréation médicalement assistée et envisage de devenir esthéticienne. "Les hommes et femmes comme lui doivent être arrêtés."