La conférence mondiale contre le Sida qui s’est tenue à Washington durant l’été 2012 a vu s’opposer deux visions de la lutte contre la pandémie. Tandis que certains insistent sur l’importance de continuer à croire en l’élaboration de traitements voire d’un vaccin offrant une véritable « guérison » (ou une prévention parfaitement efficace), d’autres estiment que les armes dont on dispose aujourd’hui (trithérapies associées à des mesures d’éducation et de prévention) pourraient permettre à terme « d’éliminer » le virus et de mettre fin à l’épidémie. La piste suivie par les seconds n’est pas sans sous-tendre si non un certain constat d’échec tout au moins une légère déception vis-à-vis des résultats obtenus jusqu’à aujourd’hui dans la mise au point de vaccins ou de traitements curatifs. Pourtant, ces dernières semaines, les annonces prometteuses se sont multipliées, semblant raviver l’espoir à moyenne échéance d’un « vaccin contre le Sida ».

Empêcher les CD4 de nuire

Beaucoup de ces essais encourageants ont été réalisés par des équipes françaises. Dernier en date, celui conduit par Jean-Marie Andrieu (Université Paris Descartes) et Louis Wei Lu (Institut de recherche pour le développement). La caractéristique de ces travaux réside dans leur grande originalité. A la différence des vaccins « classiques », le protocole mis au point ne vise pas à la production d’anticorps ou de lymphocytes cytotoxiques. Son effet est « la suppression de l’activation des lymphocytes CD4 infectés par le virus de l’immunodéficience simienne (VIS) ». Pour ce faire, l’équipe de Jean-Marie Andrieu et Louis Wei Lu ont associé un VIS inactivé à une bactérie commensale, le Lactobacillus plantarum. Ainsi, ont-ils obtenu l’émergence d’une « population jusqu’alors inconnue de lymphocytes CD8 régulateurs non cytotoxiques et MHC-IB/E ». Et ces derniers ont joué leur rôle : ils ont empêché l’activation des CD4 infectés par le VIS. Testé chez 16 macaques ayant « reçu de fortes doses de deux souches différentes de VIS trois et quatorze mois » après la vaccination, ce protocole s’est révélé parfaitement efficace pour les protéger de l’infection chez 15 d’entre eux. Aujourd’hui les chercheurs espèrent pouvoir appliquer ce « nouveau concept de vaccin tolérogénique » à l’homme et souhaitent idéalement que des essais puissent débuter dès 2014.

Une immunothérapie prometteuse

Si les travaux des professeurs Andrieu et Lu, publiés dans Cell Reports, ont été très commentés en raison de leur originalité, d’autres chercheurs français ont également récemment obtenus des résultats intéressants. Au sein de la pépinière du Genopole, la société biopharmaceutique InnaVirVax a ainsi développé une immunothérapie indiquée dans le traitement des infections à VIH, nommée VAC-3S. Un premier essai destiné à évaluer la bonne tolérance et l’innocuité de ce que certains présentent comme un « vaccin thérapeutique » a été mené chez 24 séropositifs, sous traitement antirétroviral. Les premiers résultats de cet essai ont confirmé que VAC-3S est bien toléré. Des résultats considérés comme « importants » par le Professeur Christine Katalma du Service des maladies infectieuses et tropicales de la Pitié Salpêtrière. « Il s’agit d’une étape clé dans le développement clinique de cette immunothérapie qui pourrait être complémentaire avec les traitements antirétroviraux dont nous disposons actuellement » observe-t-elle.

Tromper les CD4

A Saclay, c’est la mise au point d’un « gel microbicide » qui suscite l’intérêt. Des résultats publiés début décembre dans la revue Plos Pathogens montrent comment ce gel mis au point par l’Institut de biologie et de technologie a pour particularité de mimer les récepteurs CD4 et ainsi de tromper le virus du Sida. D’abord évalué avec succès in vitro, le gel a été testé chez six femelles macaques. Chez cinq d’entre elles, exposées à l'infection, aucune trace du virus n’a été retrouvée grâce à l’action du gel.

La France n’est pas la seule à connaître des succès encourageants. Nous avons ainsi dans ces colonnes évoqué les travaux de chercheurs espagnols à l’hôpital Clinic de Barcelone. L’équipe a mis au point un vaccin dont le mécanisme « consiste à donner des instructions au système immunitaire pour qu’il apprenne à détruire le VIH ». Avec ce « vaccin », la charge virale a pu être réduite au maximum de 90 %. Cependant, ces effets ne perdurent que pendant un an.