Flèche Bleue sur son lieu de Boulot ?Don Juan: sensibiliser les clients de prostituées à la prévention du SIDA Evaluation du programme Don Juan. Le programme Don Juan, conduit par l’Aide Suisse contre le Sida sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique, est l’un des rares projets de prévention du VIH qui cible précisément les clients de la prostitution. Une évaluation révèle ses atouts et ses limites.
Le programme Don Juan, démarré en 1997, offre une opportunité intéressante d’entrer en contact avec un groupe de population mal connu et qui fait l’objet de nombreux préjugés. La dernière évaluation du projet (Hugues Balthasar, Françoise Dubois-Arber: «Evaluation des activités de prévention du VIH /sida auprès des clients de la prostitution en Suisse». Lausanne: IUMSP, 2007) montre que Don Juan a permis à des spécialistes de la prévention d’affiner leurs connaissances dans ce domaine et d’identifier des besoins spécifiques. Le programme est relativement bien ancré dans les environnements où il a été mis en oeuvre. L’action se déroule principalement dans les rues (un peu moins dans les établissements), là où la prostitution s’exerce. Les interventions (éducation en face-à-face) consistent en des entretiens brefs conduits par les spécialistes de la prévention avec les clients de la prostitution. Quelque dix antennes régionales organisent ces entretiens face-à-face sur place avec les clients environ cinq soirées par an. Depuis son lancement, Don Juan jouit d’une véritable notoriété auprès des prostituées, des établissements et même des clients, et a également su retenir l’attention des médias. Le choix de matériel d’information disponible, diffusé auprès du public-cible pertinent, est de bonne qualité, en particulier la brochure «Envie de sexe?». L’implication de la campagne LOVE LIFE STOP SIDA en 2006 a permis de renforcer judicieusement la communication autour de l’action. Enfin, les organisations locales démontrent un fort attachement à ce programme et un grand intérêt pour son développement futur.
Une portée restreinteLe programme comporte néanmoins certaines faiblesses. Le concept (intervention ponctuelle) et la méthode d’intervention (éducation face-à-face) restreignent la portée du programme Don Juan qui ne peut, dès lors, prétendre à une couverture satisfaisante. Le nombre d’entretiens réalisés par soirée est peu élevé. Ceux-ci sont de courte de durée et restent, par conséquent, relativement superficiels. En outre, l’action ne touche qu’une partie du marché de la prostitution, la grande majorité, les établissements et les salons n’étant pas couverte. Ces limites sont bien connues des coordinateurs, et des projets sont actuellement menés à Bâle, Zurich et Berne dans le but d’étendre la prévention aux bars de contact par de l’outreach (travail social de terrain) sur une base mensuelle. On observe que ces projets sont fortement tributaires des acquis du programme APiS (Prévention du sida dans le milieu de la prostitution), notamment pour accéder aux établissements. Les spécialistes d’ApiS recherchent des travailleuses du sexe dans les établissements, les conseillent et les informent. Une collaboration étroite entre ApiS et Don Juan est donc nécessaire pour la mise en oeuvre.
Don Juan sur InternetEn regard des expériences faites à l’étranger, le site www.don-juan.ch (en allemand, en français et en italien) est, selon l’évaluation, une réponse adéquate au déploiement actuel du marché de la prostitution sur Internet, à condition néanmoins que cette plate-forme fasse l’objet d’une véritable promotion. Or, jusqu’ici la promotion pour ce site est restée plutôt discrète, surtout sur les sites spécialisés. Le travail d’outreach sur Internet (e-streetworking = travail d’investigation sur Internet) a montré ses limites dès la première évaluation: mauvaise acceptation par le public-cible, problème autour de l’identité de Don Juan. Les ajustements réalisés par la suite ont conduit à définir un concept d’intervention essentiellement réactif dont les résultats, au niveau quantitatif, ne sont pas à la hauteur des coûts investis.
Le projet a donc été arrêté.
Groupe-cible du Programme nationalDans le Programme national VIH et sida 2004 – 2008, l’Office fédéral de la santé publique a identifié les clients de la prostitution comme un groupe-cible de la prévention. La mise en oeuvre de la prévention dans ce groupe-cible a été confiée, pour une large part, à l’Aide Suisse contre le Sida qui coordonne le projet Don Juan depuis 1999 au niveau national. Des mesures de nature structurelle ont été proposées par l’OFSP, en particulier une «norme minimale de prévention» à l’attention des gérant-e-s d’établissements proposant la consommation de services sexuels sur place. Bien qu’aucun canton n’ait accepté d’introduire en phase pilote l’ordonnance proposée par l’OFSP, l’évaluation estime que la définition d’une norme minimale de prévention dans les lieux fermés devrait rester un objectif stratégique pour l’OFSP.
Un homme sur sixLes enquêtes menées auprès de la population générale en 1997 et en 2000 montrent, que dans la classe d’âge 17-45 ans, un homme sur six environ a déjà recouru à des services sexuels payants dans sa vie, et que moins de 5% y ont recouru dans les 12 derniers mois. En 2000, on estime ainsi que quelque 44’000 à 74’000 hommes âgés de 17 à 45 ans ont recouru, dans l’année, à des services sexuels tarifés. S’agissant des comportements préventifs, l’utilisation de préservatifs lors de contacts sexuels tarifés paraît relativement bien établie. Les données de la surveillance biologique tendent à appuyer ce constat. D’après les déclarations des médecins, 5% à 6% des infections au VIH nouvellement diagnostiquées chez des hommes pourraient être imputables à un contact avec un travailleur ou une travailleuse du sexe.
Un rôle de multiplicateur pour les établissements et les médiasL’évaluation recommande à l’OFSP de poursuivre le programme en veillant à:
– remanier la stratégie de communication en intégrant la campagne LOVE LIFE, en renforçant l’intérêt des médias autour du projet et en intensifiant la promotion de la plateforme Internet www.don-juan.ch, notamment dans les journaux qui publient des annonces pour du sexe tarifé;
– exploiter davantage les synergies avec le programme ApiS, relativement bien introduit dans les lieux fermés;
– concentrer les efforts d’extension du programme auprès des gérants d’établissements (tant que la norme minimale n’y est pas mise en oeuvre) afin de les inciter à participer à la diffusion de messages de prévention au groupe-cible.
«Don Juan» à l’exposition sur le «travail du sexe»
au Kornhausforum de BerneLe travail du sexe est-il un métier comme un autre? Est-ce vraiment de «l’argent facilement gagné»? Quel regard les prostituées posent-elles sur leur travail? L’exposition (soutenue par l’Office fédéral de la santé publique) aborde toutes
ces questions. Don Juan, le projet de prévention destiné aux clients de la prostitution est présent à l’exposition. «Le travail du sexe», l’exposition présentée par le Hamburger Museum der Arbeit, aborde un sujet délicat avec sérieux, tact, professionnalisme, sans oublier une prise d’humour: la prostitution. Des contributions réalisées spécialement pour Berne complètent le concept existant. «Unter den Lauben» documente 100 ans d’histoire de moeurs de la ville fédérale. Dans «Chez Grisélidis», le public a la possibilité de faire des recherches au «Centre International de documentation sur la prostitution» mis en place par la prostituée genevoise Grisélidis Réal. Dans une autre salle, le public peut voir comment les collaborateurs de Don Juan informent les clients de la prostitution et les sensibilisent à la prévention du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles. Le programme d’accompagnement, riche et varié, offre des moments marquants de nature scientifique, socio-politique et culturelle ainsi qu’un grand nombre de films sur le sujet au cinéma Lichtspiel.