Les réponses aux questions que vous vous posez sur les essais cliniques1. Quelle définition ?Une étude clinique (ou un essai clinique) peut se définir comme une situation expérimentale au cours de laquelle on teste chez l’homme la véracité ou non d’une hypothèse. Un essai clinique sur un médicament vise à mettre en évidence ou à en vérifier les effets et/ou à identifier tout effet indésirable et/ou à en étudier l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion pour en définir l’efficacité et la sécurité d’emploi.
Un essai se conduit en quatre étapes :
- Une phase de préparation qui consiste à écrire de manière très précise la question scientifique à laquelle on souhaite répondre et à rédiger le protocole de recherche correspondant.
- Une phase de validation et d’autorisation par l’autorité compétente et le CPP.
- Une phase d’inclusion et de suivi qui marque le début « opérationnel » de l’essai avec l’inclusion des patients recrutés généralement par leur médecin, généraliste ou spécialiste. Les informations recueillies au cours de l’essai sont adressées à un centre de gestion de données, qui vérifie la cohérence des informations et entre l’ensemble des données dans une base informatique
- Une phase d’analyse et de publication qui débute lorsque la base de données est complète (c’est-à-dire comportant toutes les données pour tous les patients) et cohérente (c’est à dire qu’aucune donnée ne soit en contradiction avec une autre), l’analyse à proprement parler consistant à regrouper des données et à les traiter. Les résultats feront l’objet de la rédaction d’un rapport d’étude, puis éventuellement de la communication de l’abstract de l’étude lors d’un congrès scientifique et de la publication d’un article dans une revue scientifique autorisée.
2. Comment se déroulent les études cliniques ?Les études cliniques vont permettre de répondre à plusieurs questions essentielles concernant l’utilisation du nouveau médicament testé :
- Des questions de pharmacocinétique sur le devenir du médicament dans le corps humain (absorption, métabolisme, distribution, élimination).
- Des questions de pharmacodynamique du médicament sur l’effet du médicament sur l’organisme qui permettront d’établir ou de vérifier les données thérapeutiques (efficacité et effets indésirables).
Elles se déroulent en trois phases :
- Phase 1 : Tolérance ou innocuité
Des quantités croissantes de la nouvelle molécule sont administrées à des volontaires sains, sous surveillance étroite. Cette phase permet d’évaluer les grandes lignes du profil de tolérance du produit et de réaliser une première évaluation des propriétés pharmacocinétiques.
- Phase 2 : Efficacité du produit sur de petites populations et recherche de dose
La phase 2 précoce permet de confirmer chez un petit nombre de personnes les propriétés pharmacodynamiques déjà observées chez l’animal et de poursuivre les études de pharmacocinétique. La phase 2 permet aussi de mettre en évidence l’efficacité thérapeutique du nouveau médicament, de déterminer la posologie efficace et d’identifier les principaux effets indésirables survenant à court terme. Ces essais sont en général de courte durée.
- Phase 3 : Études « pivot »
Les essais de phase 3 visent à confirmer les propriétés thérapeutiques du médicament sur des effectifs de patients plus importants avec des durées de traitement plus prolongées. Ils permettent d’établir des recommandations pour l’usage futur du médicament comme les interactions médicamenteuses, l’influence de l’âge…
- A rajouter une phase 4, après l’obtention de l’AMM, qui se déroule tout au long de la vie du médicament et dont l’objectif est, notamment d’affiner la connaissance du produit, de mettre en évidence les effets indésirables rares, de mieux connaître la fréquence des effets indésirables et de mieux évaluer sa place dans la stratégie thérapeutique.
3. Quel intérêt pour les patients ?Parmi les avantages pour les patients, doivent être distingués ceux qui sont de nature collective, de ceux qui sont de nature individuelle.
Au plan collectif :
- La mise à disposition de médicaments participe à la qualité de vie et au bien-être des malades et de leurs proches. Ces médicaments remplissent ce rôle parce qu’ils ont fait l’objet d’études attentives, et que leur efficacité de même que leur tolérance ont été correctement établies. Cette sécurité des médicaments n’existe que parce que des patients ont accepté de participer à des essais cliniques.
Au plan individuel, les avantages sont les suivants :
- La possibilité d’accéder à un produit nouveau prometteur dans de bonnes conditions de sécurité. Cet avantage est particulièrement important pour les maladies graves pour lesquelles les traitements disponibles n’ont pas permis d’obtenir l’effet attendu ou ont été mal tolérés, ou ne sont pas suffisamment efficaces. L’exemple que nous pouvons retenir est celui du sida, pour lequel les patients ont été pendant les premières années de l’épidémie, très demandeurs de participer à des essais, car c’était souvent le seul moyen pour eux d’accéder à un produit nouveau potentiellement actif.
- La loi prévoit en France que le promoteur d’une recherche clinique fournisse gratuitement les médicaments à l’essai et prenne en charge financièrement les surcoûts liés à cette recherche, tels que des examens complémentaires par exemple. Cette gratuité des soins peut être un avantage.
- Le patient qui participe à la recherche bénéficie ainsi d’examens complémentaires plus réguliers et parfois plus poussés, susceptibles d’améliorer la qualité des soins.
4. Que contient le protocole de recherche ?
La justification de la recherche biomédicale doit figurer en préambule de tout protocole de recherche. Elle comporte la revue exhaustive de la littérature sur le sujet de la recherche et explique pourquoi il est nécessaire d’entreprendre cette nouvelle recherche. La justification présente une estimation des bénéfices potentiels qu’on pourra tirer de cette nouvelle recherche et débouche donc sur la définition des objectifs de la recherche.
Le protocole fait en général une centaine de pages, et a fait l’objet avant sa finalisation de nombreuses relectures par des personnes ayant des expertises différentes : médicales, logistiques, biostatistiques.
Pratiquement, il rassemble tous les éléments descriptifs de la recherche menée et précise les conditions dans lesquelles cette recherche doit être réalisée et gérée, par exemple :
- justification de l’étude,
- considérations éthiques,
- objectifs et critères de mesure,
- sélection de la population de l’étude,
- plan expérimental et description éventuelle des traitements,
- méthodes statistiques,
- lieu et durée de la recherche,
- procédures à suivre et réglementations à respecter.
En cours d’essai, le protocole peut être amendé, notamment si de nouvelles données disponibles sont susceptibles d’avoir un impact sur la sécurité des personnes.
5. Comment les études cliniques sont-elles encadrées ?Les textes internationaux :Les principes essentiels fondant l’éthique internationale de la recherche médicale, notamment la recherche clinique avec participation d’êtres humains, sont issus des textes suivants :
- le Code de Nuremberg (dans le cadre du procès des médecins de Nuremberg, en1947 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_Nuremberg),
- la Déclaration d’Helsinki (élaborée et adoptée par l’Association médicale mondiale en1964, puis révisée plusieurs fois, notamment à Tokyo en 1975 : http://www.wma.net/f/policy/b3.htm),
- la Déclaration de Manille (1981) puis les « Lignes directrices internationales d’éthique pour la recherche biomédicale impliquant les sujets humains » (en 1982, révision en 1993 et 2003 : http://www.cioms.ch/frame_french_text.htm) du Conseil des Organisations Internationales des Sciences Médicales (CIOMS) en collaboration avec l’OMS.
Le droit français :Depuis le 20 décembre 1988, (loi n° 88-1138, dite Huriet-Sérusclat) la France bénéficie d’une loi qui régit les recherches biomédicales. Les principaux points de ce cadre légal sont : la protection des personnes, l’appréciation du rapport bénéfice/risque de la recherche, la nécessité de l’information et du consentement libre et éclairé des personnes.
La loi avait instauré, dans chaque région, les Comités Consultatifs de Protection des Personnes qui se prêtent à la Recherche Biomédicale (CCPPRB), dont les missions étaient d’évaluer les protocoles de recherche avant leur réalisation afin de vérifier que la protection des personnes était bien assurée.
En 2004, la France a procédé à la transposition de la directive européenne n° 2001/20/CE du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des états membres relatives à l’application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques de médicaments à usage humain. La loi de santé publique du 9 août 2004 et le décret d’application du 26 avril 2006 régissent maintenant la recherche biomédicale.
6. Quelle est l’autorité compétente en charge du respect de la loi en France ?L’Afssaps est l’autorité compétente pour les recherches biomédicales sur les produits de santé : médicaments, biomatériaux et dispositifs médicaux. Elle délivre l’autorisation préalable pour chaque recherche biomédicale, dans un délai maximum de 60 jours après la demande faite par le promoteur de l’essai.
L’Afssaps peut à tout moment, au cours d’une recherche, demander :
- des informations complémentaires au promoteur,
- des modifications à apporter au protocole,
- la suspension ou l’interdiction de la recherche s’il existe des risques pour la santé publique, s’il y a eu des modifications des conditions de la demande d’autorisation de la recherche ou si la loi n’est pas respectée.
L’Afssaps établit un répertoire des recherches cliniques autorisées en France (sauf opposition motivée du promoteur) et peut communiquer aux associations de malades ou d’usagers du système de santé, des informations sur les protocoles autorisés (sauf opposition motivée du promoteur ou demandes abusives et répétées des associations). Ce répertoire devrait être mis en place dès janvier 2009.
7. Comment s’organise le contrôle en France ?Avant de débuter, un essai clinique doit faire l’objet d’un avis favorable d’un CPP et d’une autorisation de l’Afssaps.
L’Afssaps est responsable de la mise en œuvre du système de vigilance des essais et doit prendre les mesures appropriées pour assurer la sécurité des personnes dans les essais (à ce titre, l’Afssaps peut seule demander des modifications du protocole, suspendre ou interdire la recherche).
Le promoteur de l’essai clinique doit notifier à l’Afssaps :
- de façon immédiate :
- tous les effets indésirables graves inattendus (EIGI) ne concordant pas avec les informations disponibles,
- tous les faits nouveaux qui remettraient en cause la sécurité des personnes qui se prêtent à la recherche, survenant pendant et après la fin de la recherche ;
- de façon annuelle :
- le rapport annuel de sécurité (analyse globale de toute information de sécurité disponible concernant l’essai ou le médicament expérimental pendant la période considérée et qui comprend notamment la liste de tous les effets indésirables graves)
L’Afssaps assure le suivi et l’évaluation de la sécurité pendant et après la fin de l’essai à partir de ces notifications, des données de pharmacovigilance post AMM, des faits nouveaux de sécurité et des résultats des essais ; elle échange des informations avec les agences des Etats membres de l’UE et les systèmes d’alertes mis en place au niveau de la Commission Européenne ;
Les CPP reçoivent également pour les essais qui les concernent :
- Tous les EIGI survenant en France ainsi que les faits nouveaux survenant pendant la recherche ;
- Une analyse semestrielle du promoteur sur les EIGI survenant à l’étranger dans l’essai concerné et dans les autres essais portant sur le même médicament expérimental étudié, ainsi que le rapport annuel de sécurité de l’essai.
8. Comment interviennent en pratique les Comités de Protection des Personnes ?Les Comités de Protection des Personnes (CPP) sont des structures régionales (un ou plusieurs par région selon les besoins) qui sont agréées par le ministère de la Santé pour une durée de 6 ans et une compétence territoriale déterminée. Il y en a 40 en France.
Les 14 membres du CPP sont nommés pour 3 ans par le représentant de l’Etat dans la région parmi des personnes présentées par autorités et organisations, recouvrant diverses compétences :
- 1er collège scientifique = 4 personnes qualifiées en recherche biomédicale dont au moins 2 médecins et 1 biostatisticien ou épidémiologiste + 1 médecin généraliste + 1 pharmacien hospitalier + 1 infirmier.
- 2ème collège sociétal = personnes qualifiées : 1 en matière d’éthique + 1 psychologue + 1 travailleur social + 2 en matières juridiques + 2 représentants d’associations de patients ou d’usagers du système de soins.
Les membres des CPP sont bénévoles, tenus au secret professionnel, indépendants vis à vis des investigateurs et des promoteurs.
Les Comités de Protection des Personnes ont pour mission de donner un avis motivé préalablement à toute recherche biomédicale, dans un délai maximal de 60 jours. Cet avis, s’il n’est pas favorable, interdit la mise en place de la recherche.
Les CPP s’assurent également que la protection des participants à la recherche biomédicale est assurée (information préalable, recueil du consentement, période d’exclusion, délai de réflexion…), que la recherche est pertinente, que l’évaluation du rapport bénéfice/risque est satisfaisante, que la méthodologie est adaptée.
9. Comment garantir la qualité des études cliniques ?Les Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) garantissent en recherche biomédicale la qualité et l’authenticité des informations recueillies et le respect de la loi et des règlements garantissant les droits des personnes dans la recherche biomédicale.
Le texte français des BPC pour les recherches biomédicales portant sur un médicament à usage humain date du 24 novembre 2006.
En application des Bonnes Pratiques Cliniques (BPC), toute recherche biomédicale doit faire l’objet de contrôles de qualité réalisés en début et en cours d’essai sous la responsabilité du promoteur de la recherche. Cette fonction est en général assurée par les Assistants de Recherche Clinique (ARC) du promoteur.
Sam 20 Juin 2009 - 8:26 par sidaventure