Les essais cliniques visant à découvrir un microbicide vaginal qui est sûr et efficace contre le VIH ont plus ou moins esquivé la question suivante : et si une femme devenait enceinte pendant qu’elle utilise le produit ?
Des chercheurs du Microbicide Trials Network (MTN) et de l’University of Pittsburgh s’apprêtent maintenant à aborder cette question et d’autres dans le cadre du premier essai clinique sur un microbicide vaginal en développement mené chez des femmes enceintes.
Les femmes, qui représentent près de la moitié des 33,2 millions de personnes vivant avec le VIH à l’échelle mondiale, sont deux fois plus susceptibles que les hommes de contracter le VIH par voie sexuelle. Entre 70 et 90 pour cent de toutes les infections par le VIH chez les femmes se produisent lors d’une relation sexuelle entre un homme et une femme.
À la lumière de ces statistiques accablantes, beaucoup de recherches misent sur le potentiel des microbicides topiques, des produits qui, lorsque appliqués dans le vagin ou le rectum, sont conçus pour prévenir la transmission sexuelle du VIH.
L’essai, qui porte le nom MTN-002, recrutera 16 femmes séronégatives en bonne santé qui ont pris rendez-vous pour accoucher par césarienne au Magee-Womens Hospital de l’University of Pittsburgh Medical Center.
Une seule dose du gel topique au ténofovir sera appliquée dans le vagin des femmes environ deux heures avant l’accouchement. Le gel au ténofovir contient un médicament antirétroviral qui sert habituellement au traitement des personnes atteintes du VIH. Il fait partie d’une nouvelle classe de microbicides en développement qui diffèrent des produits plus anciens dans la mesure où ils agissent spécifiquement contre le VIH.
Les chercheurs espèrent déterminer dans quelle mesure la grossesse influence l’absorption de l’ingrédient actif du médicament présent dans le gel et si ce médicament peut être transféré au fœtus.
« L’étude des médicaments durant la grossesse continue d’être un des domaines les plus négligés de la recherche biomédicale », a affirmé le Dr Richard Beigi, directeur de l’étude MTN et professeur assistant d’obstétrique, de gynécologie et de sciences de la reproduction à l’University of Pittsburgh School of Medicine.
« En ce qui a trait aux microbicides, lorsque la population à risque de contracter le VIH regroupe les femmes les plus susceptibles de tomber enceintes, nous avons une obligation clinique et éthique de réaliser des études sur l’innocuité des microbicides durant la grossesse. »
Les participantes aux essais cliniques sur les microbicides ont typiquement entre 18 et 40 ans, et on les oblige à utiliser une méthode contraceptive efficace, en plus du condom, pendant toute la durée de l’étude.
Les grossesses ne sont pas rares pour autant, cependant, et au moins cinq à 10 pour cent des participantes tombent enceintes. Puisque les risques ne sont pas connus, ni pour les femmes ni pour les bébés, les femmes qui tombent enceintes doivent cesser d’utiliser le produit immédiatement.
« Faute de données, nous avons adopté la démarche la plus judicieuse. Mais ce ne serait pas faisable dans la vraie vie de demander aux femmes de cesser l’usage du produit et, à court terme, ce serait préférable d’avoir des données afin de pouvoir informer les femmes inscrites aux essais cliniques », a ajouté le Dr Beigi.
En effet, dans un rapport récent de l’Institute of Medicine sur les défis méthodologiques associés aux essais sur la prévention du VIH, une des recommandations clés soulignait le besoin d’évaluer les effets potentiels des produits sur les femmes enceintes et les fœtus.
Selon un argument en faveur de ce genre d’étude, si un microbicide était largement accessible, des femmes enceintes figureraient parmi les utilisatrices du produit. De plus, de telles études aideraient à déterminer si le recours aux microbicides durant la grossesse – période durant laquelle le risque de transmission du VIH par voie sexuelle pourrait augmenter – peut contribuer à prévenir la transmission mère-enfant du VIH.
Dans l’étude MTN-002, les chercheurs tenteront de déterminer quelle quantité du médicament actif du gel se trouve dans le sang et l’utérus de la femme, le placenta et le sang du cordon ombilical et le liquide amniotique entourant le bébé.
Puisqu’une seule dose du gel sera administrée peu de temps avant l’accouchement, on s’attend à ce que le ténofovir soit présent dans le sang en quantités infimes seulement, ou pas du tout. Les chercheurs ne savent pas si le médicament entre dans le placenta, le liquide amniotique ou le sang du bébé. Voilà des questions que l’étude visera à résoudre.
Le gel topique au ténofovir est à l’étude pour déterminer son potentiel pour la prévention de la transmission sexuelle du VIH. Des essais cliniques ont permis de constater que le gel était sans danger chez les femmes séronégatives, mais aucune étude n’a été réalisée chez des femmes enceintes.
Si les résultats de l’étude MTN-002 le justifient, l’équipe de recherche pourrait planifier des essais cliniques de plus grande envergure pour évaluer l’utilisation de multiples doses du gel au ténofovir sur des périodes plus longues durant la grossesse. Si l’innocuité du produit durant la grossesse était démontrée, les femmes qui tombent enceintes au cours d’un essai d’efficacité pourraient rester dans l’étude et continuer à utiliser le produit, disent les chercheurs.
D’autres microbicides ont été étudiés ou sont actuellement à l’étude dans le cadre d’essais cliniques, mais aucun d’entre eux n’est approuvé à l’heure actuelle.
Cette étude est financée par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) et le Eunice Kennedy Shriver National Institute of Child Health and Human Development (NICHD), deux composantes des U.S. National Institutes of Health.