WASHINGTON (AFP) - Frêle et courbé, l'homme avance à tous petits pas vers le pupitre. Dès qu'il arrive face à son auditoire américain dont il est venu solliciter la générosité pour financer ses fondations, le regard de Nelson Mandela s'illumine: "C'est un plaisir de retrouver des amis"L'ancien chef d'état sud-africain, qui fêtera ses 87 ans en juillet, a donné lundi dans la salle de conférence de la Brookings Institution, organisme de recherche en sciences politiques de Washington, une leçon de démocratie à ses "amis" américains et a lancé un appel à l'aide pour l'Afrique, devant une audience d'ambassadeurs, de chercheurs et de journalistes.
Lorsqu'il marche, aidé d'une canne blanche à pommeau métallique, son visage trahit l'effort et la douleur. Ses chevilles sont enflées.
Dans la salle, l'atmosphère est quasi-recueillie. Un lourd silence précède des applaudissements respectueux. On est venu entendre le grand homme, légende vivante de l'histoire du siècle et de l'Afrique.
L'ancienne conseillère à la sécurité nationale du président Clinton, chargée de l'Afrique, Susan Rice, est assise au premier rang avec son fils Jake, sept ans, qui a loupé l'école pour l'occasion.
Nelson Mandela, qui a annoncé sa retraite de la vie publique l'an dernier, n'était pas revenu aux Etats-Unis depuis 2001, juste après les attentats terroristes à New York et Washington.
Depuis, il n'a pas mâché ses mots contre la guerre en Irak, dénonçant "l'arrogance" des Etats-Unis aussi bien que le manque de sens critique des démocraties occidentales vis-à-vis de Washington.
Lundi, le ton s'est adouci, mais il ne renie rien. "Je soutiens l'appel du président Bush à la liberté partout, même s'il n'est un secret pour personne que je n'ai pas toujours soutenu tous les moyens utilisés pour y parvenir, en particulier en Irak" dit-il. "De tels désaccords ne sont pas rares entre amis -en fait, ils sont le signe d'une amitié forte, franche, et honnête", ajoute Mandela.
L'ancien chef d'état sud-africain qui doit être reçu mardi par George W. Bush, réinterprète à sa façon deux des mots fétiches du président américain, liberté et tyrannie:
"Même si nous pouvions mettre fin à toute forme de tyrannie partout, nous devons être conscients que la vraie démocratie ne demande pas uniquement la liberté, mais une plus grande justice. C'est le nouveau combat, et pour l'Afrique du sud notre tâche la plus importante" lâche-t-il.
Avant de présenter le "Nelson Mandela Legacy Trust", fonds spécialisé basé aux Etats-Unis qui sera chargé de recueillir des dons pour alimenter les trois fondations qu'il parraine pour la lutte contre le sida et l'éducation, l'ancien Prix Nobel de la paix lance encore une flèche à l'occident riche: "La liberté ne veut rien dire pour quelqu'un qui va mourir".
Le discours d'une dizaine de minutes se termine. Nelson Mandela hoche la tête sous les applaudissements. Il sourit et ses yeux brillent. Puis il quitte la salle. Aussi lentement qu'il est arrivé.
Jake Rice-Cameron, certainement le plus jeune spectateur de l'auditoire conclut: "Je suis content. C'est comme si j'avais vu Martin Luther King".
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